
Le concert démarre avant la tombée de la nuit. Dès les premiers tableaux, le ton est donné. Les Smarty Hybrid allument le feu en contraste avec le bleu des B-Eye et BMFL Blade.
Nekfeu, un artiste qui s’inspire du rap des années quatre-vingt, s’adresse à un public assez jeune, fidèle aux rendez-vous du S-Crew. Poète des temps modernes pour certains, il est source d’inspiration pour l’éclairagiste Alexandre Lebrun et son pupitreur Fabrice Pinsard.
Leur expérience du live était nécessaire pour répondre à la vision du S-Crew : des couleurs saturées, pas de blanc, pas ou peu de face, et un kit particulièrement flexible et ouvert aux nombreuses variantes qui nourrissent le show en tournée.
Le challenge nous semble réussi grâce aux deux murs de Smarty Elation installés en V derrière le groupe et joués en couleurs saturées. Avec une inspiration rap des années 80 respectée et modernisée.
Ce concept qui marquera la tournée est bien sûr transportable y compris à Solidays où nous retrouvons Alexandre Lebrun près de la grande scène “Paris” où Nekfeu doit se produire le soir même.
Le kit lumière de Nekfeu et son utilisation live
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Eclairagiste Alexandre Lebrun
Alexandre Lebrun a démarré sa carrière dans le live. Tout jeune, il choisit d’être road car ce style de vie lui convient. Il s’intéresse très vite à la lumière. Au fur et à mesure de ses expériences, il apprend. De technicien il passe pupitreur puis opérateur pour des éclairagistes renommés : Max Haas, Jean-Marie Prouvez, Jacques Rouveyrollis, Régis Vigneron. Il démarre ensuite une carrière d’éclairagiste pour l’événementiel (lancement de voiture, cérémonies, défilés de mode) et crée sa société, Light Lab.
Depuis un an, il revient au live ce qui l’amène à une autre approche de la lumière, à établir le contact direct entre l’artiste et le public et à utiliser les outils au mieux pour susciter des émotions. S’il ressent la vidéo comme une contrainte dans son travail créatif en live car il doit composer avec un univers d’images, il reste néanmoins ouvert à une rencontre avec un vidéaste qui pourrait le bluffer et lui permettre de créer un nouvel espace de dialogue entre la lumière et la vidéo.
Quand Live Nation propose à Alexandre Lebrun d’assurer la conception lumière de Nekfeu, c’est à Fabrice Pinsard, qu’il fait appel pour la programmation, en raison de son expérience du Live. Ils ont aussi déjà travaillé ensemble sur un projet à Abou Dabi.

L’équipe lumière de Nekfeu. A droite l’éclairagiste Alexandre Lebrun et son pupitreur Fabrice Pinsard.
SLU : Quelles sont les figures imposées sur ce projet ?
Alexandre Lebrun : Tous les tableaux doivent être en couleurs saturées en utilisant le moins possible la face. Ca complique les choses mais je trouve ça rigolo et ça oblige à trouver des solutions un peu différentes.
Je suis parti de l’idée d’un fond de lumière très bas et on a fini par créer sur scène deux murs de 2,5 m de haut, qui se referment en V à l’arrière recevant au total 120 machines.
Les artistes évoluent dans cet espace. L’idée est de créer différentes ambiances et effets dans un environnement restreint. Pas de fond, pas de plafond, juste les latéraux avec cette perspective.

Un contre savamment maîtrisé par Alexandre Lebrun et Fabrice Pinsard qui ont utilisé les signes distinctifs de la tournée de l’album Cyborg.
Alexandre Lebrun : Fabrice est un très bon pupitreur car il a une bonne oreille musicale et comprend vite le rythme des morceaux. Bien que le rap ne soit pas son quotidien, il est force de propositions.
C’est également vrai pour le choix des machines qui vont permettre de répondre à mes idées en matière de conception lumière. Nous avons un échange qui nous permet de choisir le meilleur matériel et sur ce sujet, je lui fais vraiment confiance.
SLU : Fabrice, as-tu rencontré des difficultés en programmation ?
Fabrice : Le Rap est une musique à laquelle je ne suis pas habitué. La manière de travailler la lumière est particulière et donc l’encodage est différent. Un morceau de variété est découpé avec intro, couplet, refrain, couplet, refrain… Je suis également habitué à marquer les moments forts des morceaux. Cela concerne les phrasés et les accents de voix qui sont assez différents en rap. Il a donc fallu que je m’adapte à une musicalité différente.

Une magnifique association ambre (Smarty), bleu (BMFL Blade) et magenta (B-Eye) renforce l’énergie des deux chanteurs présents sur scène.
Ce projet se démarque aussi par les volontés du groupe, principalement de ne pas voir de faisceaux blancs y compris tout ce qui est correcteur, CTO, CTB, léger rose ou léger Magenta et aussi d’avoir beaucoup d’effets de contre, l’objectif étant de se rapprocher du style rap des années quatre-vingt avec beaucoup d’effets de silhouettes. Ce qui est généralement a priori utilisé de manière sporadique, se fait sur un show complet ce qui est assez nouveau. Il a fallu donc trouver des idées avec une face et des contres saturés.
SLU : Pourquoi avez-vous choisi des Smarty Elation ?
Fabrice : Avec Alexandre, nous avions validé l’idée des panières et c’est Xavier (Demay responsable de Dushow. NDLR) qui a attiré notre attention sur cette machine.
J’ai été agréablement surpris par le proto et, malgré quelques bugs, nous avons parié sur le Smarty, cette machine dont la trichro ainsi que la puissance rapportée à son poids répondaient à nos contraintes.

Les murs sont positionnés en V ils délimitent l’espace scénique des artistes ainsi éclairés soit en latéral soit à contre.
Alexandre Lebrun : Fabrice était confiant ce qui était pour moi un vrai gage de tranquillité et nous pouvions les obtenir en quantité et dans les délais ce qui était un plus. On a fait tout notre encodage sur Wysiwyg et on a eu une journée chez Dushow pour apprécier le résultat. Nous avons eu une bonne surprise. Dans la façon dont on exploite notre kit, ça marche super bien. Les couleurs sont belles, la réactivité, les effets, le faisceau beam, le zoom, tout marche bien.

Un effet flower Cyan scintillant en contraste avec les douches de B-Eye hypersaturées sur l’artiste.
Fabrice : Ce sont des hybrid beam/spot. J’aime particulièrement le double prisme qui permet d’obtenir une combinaison des deux en associant le prisme standard rotatif et rond au deuxième rotatif et plat. Les deux permettent d’obtenir un plat rond que l’on l’utilise pour un effet à la fin du show qui évoque Galaté.
L’ouverture du prisme associé au zoom débordant de la carcasse donne un peu un effet d’œil. On a combiné à cela une roue de quatre couleurs ce qui crée un effet intéressant et amusant je trouve.
SLU : Vous jouez en live ou en synchro ?
Fabrice : Tout est encodé à plat. Sur cette tournée, en fonction des variantes du DJ, de la réaction du public, les morceaux peuvent varier assez fortement en termes de durée, donc tout est envoyé.
Alexandre Lebrun : Avant qu’on ne reprenne l’affaire, tout était synchronisé, ce qui, à mon sens, ne fonctionnait pas très bien. J’ai donc précisé qu’on devrait changer cela. Je pense que ça a été un bon choix.
SLU : Fabrice, tu as souvent travaillé avec de grands noms de la lumière mais également pour Dushow
Fabrice : J’ai travaillé pour Dimitri Vassiliu, un peu pour Jaques Rouveyrollis, Antonio de Carvalho… La majeure partie de mon activité concerne le live pour des designers mais je travaille aussi pour Dushow en prestation, accueil de festival, à l’Olympia, à Bercy…

En final, les Smarty très mobiles donnent énormément de dynamique à ce tableau qui met le feu sur scène.
L’accueil technique des groupes sur le festival
Solidays est un festival qui fédère une équipe de 4 600 personnes dont 2 000 bénévoles. Cette gigantesque aventure humaine, gérée avec précision et douceur par Raymond Lopez, fête cette année ses 20 ans. C’est Dushow qui, depuis la création du festival, fournit l’équipement lumière de Solidays. Nous retrouvons, sur la scène Paris, Xavier Demay (responsable Dushow) et Frédéric Fayard “Aldo” de Concept K, qui assure la conception lumière de toutes les scènes de Solidays depuis 15 ans.
Au fil du temps, le festival a « un peu » évolué, nous confie Frédéric. Il est passé de 2 à 3 jours, de 2 à 6 scènes et de 30 000 à 212 000 participants ! Chapeau bas donc pour cette association où chacun donne pour obtenir des résultats dans la lutte contre le sida, mais où personne ne transige sur l’ambiance.
Installation Grande scène
Xavier Demay (Directeur Général Délégué responsable Dushow) : Les artistes disposent d’une installation de base à laquelle ils ajoutent leur signature en la complétant avec leur propre matériel qui en général, est installé au sol. Sur ce festival, Dushow accueille une dizaine de ses propres tournées.
Nous travaillons sur Solidays depuis 20 ans. Dans les tout premiers temps, il y a eu Dimitri Vassiliu, puis Laurent Chapot au design. Ensuite, il y a eu toute une période où je me suis senti l’âme d’un éclairagiste et je faisais les plans, et il y a 15 ans, quand Solidays est devenu gros par la taille, j’ai demandé à Aldo de venir m’aider parce que je n’avais plus la possibilité de me consacrer à 100 % au festival.
SLU : Dushow est donc partenaire du festival Solidays ?
Xavier Demay : Dushow intervient avec des conditions spécifiques où tout le monde fait un effort, entreprises comme techniciens. Par contre il n’y a aucun compromis sur l’ambiance et la qualité des relations de travail. Le résultat c’est que ça fait 20 ans que tout le monde se bat pour y travailler.
Le responsable de la communication de l’association vient expliquer la démarche à nos équipes et collaborateurs : ce que représente Solidays, combien ça rapporte, l’utilisation qui est faite de cet argent concrètement ; par exemple une distribution de moyens de contraceptions en Afrique et dans le monde par exemple. C’est donc vraiment un projet militant pour nous.
La relation que nous avons créée avec l’association nous permet d’être dans un système où chaque année, nous repartons sur nos acquis et les améliorons. Tout est donc hyper-fluide fort de ces 20 années d’expérience. Techniquement mon cahier des charges est assez simple : Il faut que ça rentre dans le camion pour éviter de sous-traiter.
Aldo : De mon côté, je récupère les informations des groupes via leur fiche technique, et en fonction des demandes j’adapte le kit d’accueil des scènes du festival. Il faut réussir à tout caser donc c’est un gros chausse-pied.

De gauche à droite et debout : Charlie Mazaloubaud, Vincent Gauthe, Emilien le Glaunec, Xavier Demay, Julien Peyrache, Joshua Chabal, Mickaël Machado, Benjamin Bertout. Devant et accroupis, Aldo, Régis N’Guyen, Martial Blond
SLU : Combien faut-il de temps pour changer l’installation entre deux artistes ?
Aldo : A Solidays c’est assez confortable. Les scènes jouent en alternance et le change over est d’une heure alors qu’en général sur d’autres festivals, c’est plutôt de l’ordre de 30 minutes.
SLU : Comment se compose ton kit d’accueil ?
Aldo : Sur la grosse scène, nous n’avons pas fait de compromis sur le résultat. Il y a des BMFL Blade, du B-Eye K20 et des strobes Atomic 3000. Il y a aussi des blinders FL650, la petite signature du festival depuis le début et il y en a 140. En beam cette année, ce sont les Proteus Elation que nous avons choisis. Solidays c’est aussi l’occasion pour de nombreux groupes de tester de nouveaux produits et Philippe Marty en accueil à la console de la scène Paris avait l’air d’être content.
SLU : En tout, combien y a-t-il de machines et pour quelle énergie ?
Aldo : On dépasse les 1 000 ampères par phase pour la grande scène. Il y a trois points de blocs, dont un à 600, et deux à 400. Puis nous avons des points 125 pour d’autres groupes qui viennent comme Nekfeu. Sur l’intégralité du festival il y a 7 semi-remorques de lumière et une équipe de 45 personnes pour gérer les sept scènes.
Le réseau administré par Charlie Mazaloubaud
SLU : Comment fonctionne le réseau ? Y a-t-il des difficultés liées à la diversité des kits et pupitres utilisés pour les différents groupes ?
Charlie Mazaloubaud : On essaie surtout d’anticiper en travaillant très en amont du festival. En fonction des demandes des groupes, on sait si on doit fournir de la fibre, des RJ ou du DMX physique.
Pour nous, peu importe, car nous prévoyons plusieurs types de possibilités pour répondre aux demandes de chacun. Entre la régie façade et les blocs sur scène, on a tiré quatre fibres, quatre câbles de catégorie 6 en RJ45, et 10 lignes DMX physiques. Du coup, ça nous permet d’accueillir n’importe quelle demande.
SLU : Pourquoi quatre fibres ?
Charlie Mazaloubaud : On a deux fibres pour le kit d’accueil, c’est-à-dire le kit festival et deux fibres à redistribuer au groupe qui apporte son propre kit de projecteurs en deux types pour convenir à tout le monde : SmartBeam QUAD et OpticalCon DUO. Tout dépend du choix du prestataire accueilli avec son kit complémentaire : Dushow, MPM, Régie Lumière, S-Group… On rebrasse le type de fibre dont ils ont besoin dans les baies de patch. Dushow qui fournit l’équipement lumière de toutes les scènes de Solidays est en SmartBeam.

Une partie du kit lumière sélectionné par Aldo pour la scène Paris : B-Eye K20 Claypaky et Proteus Hybrid Elation.
Aldo : C’est vraiment du boulot d’administrateur réseau.
SLU : Si deux fibres sont distribuées, ça veut dire que le système est redondant ?
Charlie Mazaloubaud : Oui, si on perd une fibre, le lien se fait toujours par l’autre que ce soit pour le kit festival ou le kit d’accueil. On tire toujours deux fibres d’office et pas au même endroit car si l’une d’elles se fait arracher à jardin, l’autre sera préservée à cour.
SLU : Y a-t-il des projecteurs attaqués directement en ArtNet ?
Charlie Mazaloubaud : Sur notre kit festival non, on passe par des nodes, soit des Luminex, soit des Datagate pour convertir le signal en DMX et attaquer les projecteurs.
SLU : Et les switchs ?
Charlie Mazaloubaud : Ce sont essentiellement des Luminex Gigacore 14R. C’est Dushow qui les fournit.

Les ailes de la grande scène supportent des B-Eye K20 Claypaky et des BMFL Blade Robe, un binôme leader sur les grandes scènes.

Dans les ponts, on distingue à contre les Blade et B-Eye, puis une armada d’Atomic 3000 et en remontant une alternance de Blade, B-Eye et Proteus Hybrid sans oublier une armée de FL 650.

Le pont de face lui aussi chargé du trio BMFL Blade Robe, Claypaky B-Eye K20 et Proteus Hybrid Elation. On devine aussi les Platinum Beam 5R Elation accrochés sur le pont suivant.
SLU : Sinon, quels sont les choix de consoles cette année ?
Charlie Mazaloubaud : Toujours de la GrandMA2 (rire). On accueille quelques artistes en Hog4 et en Chamsys mais on les compte sur les doigts d’une main. Et évidemment on accueille aussi le protocole HogNet avec les DP8000 pour déverrouiller les paramètres comme les NPU des GrandMA2. Donc on a créé un vlan exprès pour le HogNet.

Mais alors qui est le responsable de ce fabuleux spectacle ? (De gauche à droite) Xavier Demay, Philippe Marty, Stéphane Courtillot, Thomas Janot ( Directeur technique de Solidays avec Jacquito ), Aldo, Nicolas Galloux
Plan de feu du kit festival de la Grande scène
Place au concert de Nekfeu
Nekfeu dans l’espace scénique imaginé par d’Alexandre Lebrun nous invite à un retour aux années quatre-vingt. Une ambiance confinée en clair-obscur à mesure que le jour tombe. Les faisceaux saturés des Smarty Hybrid s’imposent avec une belle puissance issue de la lampe Platinum 200 Flex de Philips. Programmés avec des effets de zoom, de couleurs, avec ou sans gobos volumétriques, ils offrent une large étendue de possibilités et de jeux, exploitée à fond par le binôme Alexandre Lebrun et Fabrice Pinsard.
Le nombre de Smarty Hybrid utilisés, 120, donne au concept sa pleine autonomie même si à Solidays quelques projecteurs du kit du festival sont impliqués dans certains tableaux. Et grâce encore une fois au nombre de ces petites machines très réactives, les effets de beams en mouvement sont particulièrement réussis.
Les couleurs de la trichromie sont très lumineuses et savamment associées. Bleu sombre connecté au vert, ambre rougeoyant en contraste avec de magnifiques bleus glacés, explosion de couleurs sur certains titres comme “les coloris de nos vies”, effet flower qui se détache fièrement d’une ambiance profonde, le public répond à toutes ces vibrations de couleurs avec la sensation de faire partie du S-Crew.
Equipe Solidays 2018
Light Design Concept K : Frédéric “Aldo” Fayard
Responsable de projet Concept K : Stéphane Courtillot
Responsable technique Dushow : Régis N’Guyen
Responsable Dushow : Xavier Demay
Accueil Wysiwyg : Joffrey Bonifay
Scène Paris
Opérateur : Philippe Marty
Opérateur : Charlie Mazaloubaud
Blockeur : Martial Blond
Blockeur : Emilien Le Glaunec
Technicien : Julien Peyrache
Technicien : Michaël Machado
Technicien : Joshua Chabal
Technicien : Benjamin Bertout
Scène Bagatelle
Opérateur : Yann Hureau
Opérateur : Loïc Marafini
Blockeur : Mickaël Gayet
Technicien : Benjamin Gardan
Technicien : Pierrick Leblanc
Technicien : Maxime Papon
Scène Dôme
Opérateur : Bertrand Amblard
Opérateur : Théo Broche Canone
Blockeur : William Weber
Technicien : Antony Etienne
Nuit Techno Dôme
Opérateur : Baptiste Huguet
Assistant : Aurélien Bossard
Scène Domino
Opérateur : Pierre Papot
Blockeur : Nicolas Bach
Blockeur : Eric Corlet
Technicienne : Mylène Leyri
Technicien : Mickaël Dubuis
Nuit Techno Domino
Pupitreur : Emmanuel Michaud
Technicien : Noé Loridan
Scène Caesar
Opérateur : Théo Frick
Blockeur : Adrien Grand Pierre
Technicien : Romain Barrey
Technicien : Flavien Carbou
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